samedi 17 décembre 2011

Un soir au club avec Motian

Le 22 novembre dernier, à l’âge de 80 ans, Paul Motian a quitté la scène. A l’évidence, seule la mort pouvait lui faire poser sa paire de balais. Il ne voulait plus voyager mais tenait régulièrement sa place au Vanguard de New York.

 Un an plus tôt, presque jour pour jour, j’étais dans ce club. C’était le 13 novembre et le Paul Motian Septet s’y produisait pour une semaine. La journée avait été froide et ensoleillée. J’avais fait quelques achats de vinyles chez Fred Cohen au Jazz Record Center et, vers 23h00, nous sommes allés au Village Vanguard. Autour d’une bière, en petit comité (20 personnes en salle, peut-être moins), nous avons partagé deux sets de grande classe. Jacob Sacks tenait le piano, Chris Cheek et Bill McHenry assuraient les parties de cuivre, accompagnés d’un guitariste dont le nom m’échappe, mais pas l’originalité que j'ai encore dans l'oreille. Le reste du groupe se composait d’un alto, d’un trombone et d’une basse électrique aux mains du seul homme de couleur de la formation, un grand type aux allures de bluesman.


Le répertoire s’inspirait du « Garden of Eden », disque symbole du style Motian de ces dernières années. A la fois hors-piste mais tout en maîtrise, le groupe a produit, pendant près de deux heures, une musique aux contours souples et riches ; Paul Motian sillonnant les pistes ouvertes par ces jeunes loups avec sagesse et audace. Ce fut un grand moment de jazz contemporain. Une ouverture vers d’autres formes d’arrangement et d’interprétation; une musique fluide et colorée.


J’ai conservé de cette soirée un goût particulier, celui d’un concert tout en retenue n’usant jamais les idées exposées. Sans clichés, les interventions étaient courtes et toujours justifiées. Le Motian de cette session ne ressemblait plus à celui qui accompagna dans ce même lieu Bill Evans et Scott LaFaro, quelques cinquante ans auparavant. Mais ce Motian avait toujours des choses à dire, tel un patriarche au milieu d’un parterre de jeunes athlètes. Merci Paul pour cette belle carrière qui restera à jamais dans nos oreilles.

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